Mis sur le devant de la scène avec Le Soldat désaccordé, qui ne cesse de gagner des prix littéraires, j’ai eu envie de parler de ses autres romans que j’aime tout autant, qui arrivent à être différents tout en gardant ce quelque chose d’unique à l’auteur. Alors, on y va, je te présente l’œuvre de Gilles Marchand ? (En plus, je l'ai rencontré et il est adorable !)
Une bouche sans personne
Un premier roman touchant, où l’on retrouve déjà les fils conducteurs de tous ses prochains romans : des personnages cabossés, un soupçon d’onirisme dans la veine de Boris Vian, des thématiques humaines profondes. Ici, on parle d’un étrange personnage comptable qui va voir sa vie devenir de plus en plus bizarre, tout en mêlant au récit des souvenirs de la guerre. Profondément sensible, c’est une lecture qui résonne avec son dernier roman comme une boucle qui se ferme.
« De sa lèvre inférieure au tréfonds de sa chemise, il a une cicatrice qu’il dissimule sous une écharpe. Le jour, il compte et recompte des colonnes de chiffres. La nuit, il retrouve Sam, Thomas et Lisa au café. Ses trois amis ne savent rien de lui. Un soir, il décide d’ôter le cadenas de son armoire à souvenirs. Et de raconter avec fantaisie l’empreinte que l’Histoire a laissée sur son corps… »
Un funambule sur le sable
Mon préféré de tous, j’ai adoré les personnages avec leurs fêlures, la douceur et l’humanité qui se dégage de cette histoire. C’est drôle, poétique et émouvant, tout en parlant d’amour et de différence, ce décalage qui fait qu’on est parfois aux marges de la société, autre thème qu’on retrouve dans ses romans. C’est aussi le plus musical selon moi, et j’ai beaucoup aimé cet aspect (au point de me donner envie de faire une playlist de mes chansons préférées).
« Naître avec un violon dans la tête, c'est impossible ? C'est pourtant ce qui est arrivé à Stradi. Depuis son enfance, il souffre de l'incompréhension, de la maladresse ou de l'ignorance de ceux qui partagent son quotidien. À ces souffrances, il oppose un optimisme invincible. De petites victoires en désillusions, il apprend à vivre dans un monde qui ne semble pas fait pour lui. »
Requiem pour une apache
Le plus percutant et cynique peut-être, toujours sur la thématique de la marginalité : des personnages plus ou moins évaporés qui décident de se rebeller face à l’injustice. On retrouve les thèmes habituels, mais avec une plume plus acide et mordante, parfois désabusée j’ai eu l’impression. Plus engagée en tout cas.
« Jésus tient une petite pension, un refuge pour les réprouvés de la société. Un couple d'anciens taulards qui n'a de cesse de ruminer ses exploits. Un ancien catcheur qui n'a plus toute sa tête. Un jeune homme simplet. Une VRP qui pense que les encyclopédies sauveront le monde et un chanteur qui a glissé sur la voie savonneuse de la ringardisation. Lorsque Jolene s’y installe à son tour, plus question de baisser la tête, la pension devient le centre de l’attention et le quartier général d’une révolte poétique. »
Le soldat désaccordé
Son dernier roman, primé absolument partout et je sais pourquoi, c’est beau, c’est tendre, c’est poétique, c’est profond. Un récit inclassable qui mêle avec talent l’enquête, le récit de guerre et l’histoire d’amour. Une merveille qui mérite complètement sa renommée ! Mon rêve ? Assister à une de ses lectures musicales.
« Paris, années 1920. Un ancien combattant est chargé de retrouver un soldat disparu en 1917. Arpentant les champs de bataille, interrogeant témoins et soldats, il découvre peu à peu la folle histoire d’amour que le jeune homme a vécue au milieu de l’enfer. Alors que l’enquête progresse, la France se rapproche d’une nouvelle guerre. Notre héros se jette à corps perdu dans cette mission désespérée, devenue sa seule source d’espoir dans un monde qui s’effondre. »
Le roman de Bolano (avec Eric Bonnargent)
Un roman un peu à part, puisqu’il est écrit à 4 mains d’une part et qu’il s’agit d’un roman épistolaire d’autre part. Un roman très différent, bien que la partie écrite par Gilles Marchand soit tout aussi poétique et décalée qu’à son habitude. Mais globalement, c’est très sombre, une plongée dans la noirceur de l’humanité, pour faire face au Minotaure qui se cache en chacun d’entre nous…
« Que se passe-t-il lorsqu’un chauffeur de taxi amnésique tombe sur l’adresse d’un personnage du roman de Roberto Bolaño qu’il vient de lire ? Que se passe-t-il lorsque après lui avoir écrit à tout hasard, ledit personnage, un ancien policier, lui répond qu’il est bel et bien vivant, et qu’il n’a jamais entendu parler du célèbre écrivain chilien ? Eh bien, les deux hommes entament une correspondance. Passé, secrets, une histoire où le vrai n’est jamais sûr et le faux toujours possible. »
Des mirages plein les poches
On passe à ses recueils de nouvelles, encore une autre forme et toujours cette poésie propre à l’auteur. Des nouvelles parfois hilarantes, d’autres tristes et profondément touchantes. Toujours des personnages fêlés, différents, pris dans l’absurde du monde, mais qui montre aussi sa beauté fantasque. Lire Gilles Marchand, c’est regarder le monde et apercevoir parfois ce tressaillement de la réalité, le voile qui se déforme pour laisser passer un mirage.
« Un musicien de rue, un homme qui retrouve sa vie au fond d'une brocante, des chaussures qui courent vite, deux demi-truites, une petite lampe dans un couffin, le capitaine d'un bateau qui coule, la phobie d'un père pour les manèges, un matelas pneumatique... On ne sait jamais qui sont les héros des histoires de Gilles Marchand : objets et personnages se fondent, se confondent et se répondent chez cet auteur qui sait, comme nul autre, exprimer la magie du réel. Sous ses airs de fantaisiste, il raconte la profondeur de l'expérience humaine. »
Dans l’attente d'une réponse favorable : 22 lettres de motivation
L’auteur s’attaque ici à un exercice de style que tout le monde déteste, la rédaction de lettre de motivation. Il en fait une merveille poétique et littéraire, certaines m’ont fait hurlé de rire, d’autres m’ont émue aux larmes, il sait jongler avec les émotions comme personne, avec cette pointe d’absurde qui rend tout si délicieux.
« Vous rêvez d’un emploi d’explorateur à mi-temps, ou d’un stage de zèbre aux haras nationaux. Vous voudriez devenir super-héros. Une oeuvre d’art. Un ange. Un cheveu. Vos désirs sont fous et vos plans de carrière hors normes. Tout cela est bien joli, mais avez-vous écrit votre lettre de motivation ? »
Est-ce qu'il y a un des romans de cet auteur qui te tenterait ?
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